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Quel bio pour demain?

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Une chronique qui tombe à point, au lendemain de Millésime Bio, un salon qui rencontre de plus en plus de succès, jusqu’à drainer des exposants et des visiteurs dont on ne soupçonnait pas l’engagement bio.

Si j’en crois l’Institut Français de l’Agriculture Biologique, le nouveau projet européen d’encadrement du vin bio, qui ne se limitera plus à la viticulture, mais englobera toute la transformation du raisin, tout le processus oenologique, prévoit d’autoriser l’osmose inverse.

Je me pose une question: sachant que cette technique de concentration aboutit à gommer l’effet millésime (c’est même son intérêt principal, mis en lumière dès 1992), le vin bio voir aussi ici quel vin bio ainsi obtenu sera-t-il encore vraiment fidèle à son raisin, à son environnement, à la philosophie bio?

Autre question plus générale: comment peut-on accepter cette pratique dans les AOC, qui sont censées mettre en avant le « lien au terroir ». Un terroir ainsi gonflé, c’est encore un terroir? Une année pluvieuse livrant ce qu’elle a, mais dont on retire l’eau, pour augmenter artificiellement la part de l’extrait sec, cela mérite encore qu’on mette un millésime sur l’étiquette? Ou faudrait-il exiger une mention du genre « 2012 rectifié » ou « 2012 concentré »?

C’est incontestable, l’oenologie a énormément apporté à la connaissance et à la pratique du vin. Qui voudrait vraiment revenir en arrière? Grâce à elle, nous nous sommes débarrassés d’une grande partie des vins à défaut qui encombraient les chais jusque dans les années 80.

Mais n’avons nous pas perdu au change une dimension importante du vin? Je veux parler du respect de la matière première et notamment de sa variabilité selon les années, du fait qu’un 2008 ne sera jamais un 2009? Sauf bien sûr lorsqu’on pratique le bodybuilding.

On nous dit souvent que les vignobles du nouveau Monde sont plus réguliers que ceux d’Europe.

C’est vrai qu’en moyenne, leurs climats sont plus réguliers. Mais n’est-ce pas aussi une belle façon pour eux d’habillerle fait qu’ils utilisent depuis belle lurette, et sans contraintes, l’osmose inverse, la chaptalisation, le mouillage, la désalcoolisation, la désacidification, la réacidification, toutes les ficelles que nos oenologues ont mises au point depuis 40 ans.

Faut-il que nous nous en privions? Sans doute pas pour les vins de masse, les IGP, les vins de France. Mais pour les AOC, et pour les vins bio, là,  j’ai plus qu’un doute. Si le consommateur apprend un jour la tambouille qu’on lui prépare, je ne suis pas sûr qu’il continue à adhérer au concept, à notre fameuse exception culturelle.

Si l’on veut que les mots aient un sens, il faut respecter la philosophie qui est derrière, et non toujours tirer sur la corde au maximum, juste avant qu’elle ne rompe.

Si les conditions qu’on fixe au vin bio sont trop laxistes, ce ne sera plus qu’une coquille vide. Je sais que d’aucuns pensent que c’est déjà le cas. Ils ont beau jeu de démontrer qu’on trouve de tout sous la mention. Que la certification est bradée. Que le bio industriel va tuer le bio. Que la mention ne veut rien dire. Et puis aussi, que la vérité est dans le verre. Salut, David!

N’oublions pas, quand même, les vrais passionnés du bio, ceux qui ne font pas que transformer du raisin en vin, mais qui mettent leur âme dans la cuve, si vous me passez l’expression (l’idéalisme n’a jamais tué personne, au contraire de l’idéologie). Ceux-là, je ne voudrais pas qu’on les mette dans le même sac que les opportunistes qui font du bio parce que ça se vend mieux aujourd’hui. Pour ces industriels fraîchement convertis au bio, la question des limites de soufre qu’on pourra demain ajouter dans le vin bio (toujours pas tranchée), ce n’est pas une question de philosophie, mais de risque commercial. Plus de soufre, c’est la garantie de pouvoir utiliser une récolte, disons, moins soignée. Il y a plus qu’une nuance, c’est une autre vision…

Antoine Gerbelle a dit un jour que dans quelques années, dans le vin, « le bio sera la règle », ou quelque chose du genre. Je m’en félicite si cela veut dire que le respect de l’environnement se généralise dans la vignoble; que le niveau des pesticides régresse à la vigne et dans les nappes phréatiques – et avec lui, le nombre d’affections chroniques chez les viticulteurs qui traitent la vigne.

Mais si cela veut seulement dire que le niveau de contraintes pour obtenir le bio a été abaissé, alors cela devient de la cosmétique. « Tout le monde il est bio, tout lemonde il est gentil », aurait dit le regretté Jean Yanne…

Amis oenophiles, restez vigilants. Que la mention bio vous séduise ou pas, qu’elle rencontre un écho chez vous ou pas, vous êtes en droit, comme consommateurs, d’exiger qu’elle signifie un véritable engagement à produire, non pas un grand vin (ça, c’est autre chose, il y a des grands vins hors du bio comme dans le bio, en biodynamie, en vin dit nature, etc…), mais à produire plus sain, à produire vrai.